Nombreuses et obscures sont les raisons qui poussent un client à ne pas retenir une piste créative. Qu’on les comprenne ou non, il en résulte toujours un sentiment de regret ou de déception, d’autant plus fort quand on constate que la piste choisie n’est pas bonne. Julien Soyer, directeur artistique de l’agence Seenk affirme ainsi : « De manière générale, on veut que notre projet soit retenu et dans tous les cas on est déçus lorsque ce n’est pas le cas. On présente des projets dans lesquels on croit. La deuxième déception arrive quand on voit le projet retenu : manque d’ambition, de caractère. On se pose des questions sur les raisons qui ont fait que ce logo a été choisi. »
Partageant cette interrogation, Logonews s’est mis en tête d’obtenir les points de vue des designers sur ces mystérieuses raisons qui font qu’un logo est refusé ou sélectionné. Nous leur avons également demandé leur point de vue sur les logos qui avaient réussis là ou les leurs avaient échoué. Exercice périlleux qui n’a pas pour but de critiquer gratuitement des créations mais simplement de donner une opinion subjective et argumentée sur un objet de création. À l’heure du bilan, un remerciement s’impose à tous les designers qui ont accepté de discuter honnêtement de leurs points de vue et qui, par leur sincérité, ouvrent des discussions : Julien Soyer pour Seenk, Alain Doré pour Brand Image, Eric Colin pour Havas Worldwide, Pierre Berget pour Be Dandy, Cléo Charuet, Etienne Robial, Erwan Soyer, Max Newlyn et Jean François Porchez. Sur 32 personnes contactées, 5 ont refusé de participer, 11 n’ont pas donné suite à notre proposition et 4 ont refusé de donner leur opinion lors de l’interview.
1- Quelles sont les « raisons » des refus ?
Sans faire un tour exhaustif des raisons qui poussent les annonceurs à dire « non », ce dossier spécial propose d’étudier la question à travers trois catégories : les versus, les similitudes et les retournements de situation.
Dans la catégorie des « versus », certains graphistes s’interrogent sur les raisons qui ont fait que leur logo a été éliminé face à un logo moins fort, moins bon, moins efficace, moins fonctionnel. Logonews a tenté de dresser un panorama des combats de logos en interviewant leurs créateurs.
Premier Match : Mollesse vs Caractère
Deuxième Match : Sobriété vs Sophistication
Troisième match : Efficacité vs Déjà vu
Quatrième match : Attendu vs Audacieux
Cinquième match : Tradition vs Changement
Sixième match : Conventionnel vs Moderne/Fonctionnel
Dans la catégorie des similitudes, certains graphistes se demandent avec beaucoup d’incompréhension pourquoi le logo choisi ressemble tant au logo qu’ils avaient proposé mais qui a été refusé.
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Dans la catégorie des retournements de situation, les graphistes, à la merci des clients, peuvent parfois obtenir de belles victoires inattendues, ou ne rien obtenir du tout.
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2- Quelle place pour le client, quelle place pour le designer ?
Certains designers, qui donnent une place prédominante à la relation avec le client, conçoivent la perte d’une compétition comme le résultat consécutif d’une proposition inadaptée à ses attentes ou à sa demande. Mais est-ce au client de « savoir ce qui lui va » ? Est-ce qu’un patient dirait à son chirurgien : « Non le scalpel doit inciser à cet endroit » ? Les designers, choisis sur des références, créent en fonction d’un brief qui peut parfois changer. Est-ce pour autant que le client est à même d’évaluer à long terme l’efficacité d’un logo ?
Si le client sait ce qui lui va, n’est-ce pas aussi à l’agence de faire preuve d’inventivité ? Une agence efficace ne doit-elle pas être en mesure de proposer des solutions adaptées aux besoins du client, sans qu’elles soient nécessairement conformes à l’idée qu’il s’en fait ? Lors d’une compétition, l’annonceur est aussi directement mis en cause dans le choix final en fonction de sa propension à innover, à prendre des risques.
Enfin, que l’on l’admette ou non, la question du goût et des lignes artistiques propres à l’agence et à l’annonceur entrent également en compte. Guillaume Bazin reconnaît ainsi qu’il y a « une frustration à titre personnel, car créer implique toujours un goût, une préférence pour une piste plutôt que pour une autre. » Rappelons tout de même qu’un logo a pour fonction de référencer une marque et de permettre sa mémorisation. Un bon logo, s’il se construit nécessairement autour de critères esthétiques, répond d’abord à des contraintes de fonctionnalité. Paul Rand affirmait ainsi : « N’essayez pas d’être original, contentez-vous d’être bon. » Pour mesurer l’efficacité d’un logo on pourrait alors se poser les questions suivantes : Sera-t-il lisible sur différents supports ? Est-il simple et percutant? Correspond-t-il bien à la marque ? Sort-il du lot ? Autant de questions rencontrées lors des interviews et que Logonews abordera dans un second dossier spécial consacré aux identités visuelles perçues et analysées par ceux qui les font.
Vite vite, chuis impatiens de lire la suite.