France

Chaumont : la ville du graphisme se tape l’affiche

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Il y a parfois des projets dont la portée est telle que les designers en viennent à questionner leur pratique même dans leur processus de raisonnement. C’est le cas de la refonte de l’identité de la ville de Chaumont, dont la réflexion a nécessité d’engager une réponse à une grande question dans le milieu du design graphique : Qu’est-ce que le graphisme ? Ce qui était au départ un modeste projet de signalétique urbaine ponctuel est devenu un remarquable travail transversal développé sur plus de trois ans.

Le design graphique au service d’une organisation publique n’est jamais chose aisée. À la différence d’un client privé, l’enjeu est pluriel, car la cible se compose de l’ensemble des citoyens d’une commune (et plus encore). Il ne s’agit pas de vendre un produit ou un service, mais de permettre une communication optimale et clairement identifiée d’une organisation régissant le bien-vivre et le développement d’une zone géographique définie. Tout cela, à la fois sur le plan médical, social, économique, culturel ou écologique, de ladite zone. Repenser l’identité d’une ville, c’est définir une trajectoire qui doit innover tout en conservant le patrimoine culturel existant.

Avec ses 20 000 habitants, Chaumont offre un cadre de vie préservée et agréable au cœur de la nature dans la région du grand Est. C’est aussi un acteur incontournable du design graphique français : la ville accueille depuis 2016 le Signe, centre national du graphisme, et depuis 2017 son mythique Festival de l’Affiche est devenu la Biennale internationale de design graphique. Rien que ça. Une attractivité dans ce champ du design qui s’explique par son patrimoine historique. En 1906, le botaniste et homme politique Gustave Dutailly décède, et lègue sa collection de 5 000 affiches et documents graphiques à la municipalité de Chaumont (parmi lesquels des exemplaires de Toulouse-Lautrec, Chéret ou Choubrac). Cette collection fera par la suite l’objet d’un inventaire et d’une restauration pour constituer un fond qui s’enrichira à partir de 1990 et le lancement du Festival de l’Affiche. Dès 2020, c’est plus de 45 000 affiches qui constituent ce fond. Un héritage exceptionnel, que la municipalité a souhaité valoriser dans le travail de refonte de son identité visuelle.

Le cœur de cette nouvelle identité repose sur une famille typographique unique, conçue sur-mesure, la Dina Chaumont. Modulaire, elle fait référence à la norme DIN A, un format standard industriel international pour les supports imprimés qui conserve ses proportions lorsqu’on le divise en deux dans un sens et qui se double dans l’autre sens. Ainsi, le format A0 (qui possède une surface de précisément 1 m²) se divise parfaitement en deux formats A1, qui eux-mêmes se divisent en deux A2, etc. Parmi ces formats, vous connaissez à coup sûr le format A3 et A4. Dina Chaumont est un caractère typographique monochasse qui reprend ce principe, avec des glyphes qui sont taillés dans un format à la manière des casses de bois d’antant. Par ce geste, les lettres occupent au maximum l’espace qui leur est dédié. Individuellement, elles forment alors des lettre-affiches, capables de recouvrir l’entièreté d’un support avec une plasticité affirmée. La famille Dina Chaumont se compose de deux polices (une pour le titrage et une pour les textes courants) avec chacune trois graisses différentes et leurs équivalentes en italique. Pour couronner le tout, chacune des glyphes existe en version simple ou avec une largeur double, pour encore plus de générosité. La modularité permise par le caractère monochasse de la police permet des jeux de composition graphique tout à fait singuliers, avec parfois des césures véritablement audacieuses comme pour le mot Chaumont dans le logotype de la ville. Ce dernier existe en trois versions différentes, avec des compositions tantôt horizontales, tantôt verticales.

Un ensemble de 250 pictogrammes construits sur la même base que le caractère Dina Chaumont complète le langage graphique déployé, ce qui permet d’exprimer de manière ludique et joyeuse les différentes facettes chaumontaises. Vous êtes plutôt Chaumont ville fleurie, Chaumont ville nature, Chaumont ville gastronomique ou Chaumont ville culturelle ? Une identité incarnée et décomplexée qui se décline à volonté et sans difficulté pour une communication avec un esprit festif et de partage. La palette chromatique est, elle aussi, très joyeuse avec des teintes vives couvrant l’ensemble du spectre chromatique.

Dina Chaumont devient un outil accessible aussi bien aux professionnels qu’aux non-initiés du graphisme (la police est disponible gratuitement à tous), un outil à s’approprier pour que les Chaumontais puissent s’engager de manière concrète dans la vie culturelle de la ville. Chaumont ville du graphisme, une ambition affirmée, portée par un langage graphique empreint de sens et résolument tournée vers ses habitants.

Conception : Baldinger Vu-huu

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