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Decathlon : à fond l’orbit (la forme)

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Loin est le temps de la petite entreprise lilloise fondée par Michel Leclercq. Depuis 1976, les magasins de sport Decathlon se sont multipliés pour devenir aujourd’hui la troisième marque de sport à l’échelle mondiale. Avec plus de 1700 boutiques dans 72 pays, l’enseigne propose des équipements et des vêtements pour plus de 80 sports à quatre niveaux de pratique, et génère un chiffre d’affaires de plus de 15 milliards de dollars. Malgré cette échelle d’activité, l’impact culturel de Decathlon dans le sport n’était pas, jusqu’à aujourd’hui, révélé à son plein potentiel tandis que la marque perdait peu à peu contact avec les cibles jeunes. Pour incarner pleinement sa raison d’être, Decathlon a fait appel à Wolff Olins pour accompagner sa transition vers une évolution de son identité de marque.

La première étape de cette transformation s’est opérée sur la stratégie même de la marque. Decathlon fait désormais le lien entre toutes les expériences de sport vécues : des terrains de jeux aux podiums, l’intérêt pour le sport réside par chacun dans le plaisir et le bien-être qu’il procure et pas nécessairement dans la victoire. Le concept des « merveilles du sport » fait le pont entre les différents niveaux de pratique ciblée par Decathlon, et les émotions déclenchées par les activités physiques.

Avec ses lettres capitales, le logo de Decathlon a depuis longtemps gagné ses lettres de noblesse auprès du grand public, à juste titre. Il était très impactant, et quasi-intemporel grâce à l’usage des glyphes épais et sans empattement. Néanmoins, son bleu un poil terne, ainsi que son interlettrage très serré commençait à lui donner une image moins dynamique face aux conventions graphiques contemporaines des médias numériques. À présent, le dessin des lettres se veut légèrement plus fin, et surtout plus espacé. Le mot-symbole respire davantage, tandis que certaines lettres comme le « E », le « T » et le « L » s’étalent un peu plus en largeur, pour une lisibilité renforcée. Le gros du travail réside dans la nouvelle ligature « CA », qui donne plus d’espace au contrepoinçon du « A » pour s’exprimer, et adapte la terminaison du C pour éviter toute confusion avec le glyphe « O ». Le véritable point d’amélioration de l’identité opère sur le changement de couleur, avec une nuance bleu roi plus sombre et chaleureuse qui donne une profondeur importante aux visuels de la marque.

La nouvelle identité de Decathlon voit également apparaître de manière inattendue un signe distinctif, l’Orbit. Son dessin tout en courbe n’est pas sans rappeler bon nombre de logos existants : Asics, Infinity, Karmine Corp… Nombreux sont les prétendants au titre de « signe ayant précédé le langage graphique de celui de Decathlon ». À la fois voile de bateau, montagne et vague, le signe peut par ailleurs être perçu comme une interprétation du « D » de la marque. Il fait aussi référence à l’Étoile polaire, une forme d’incarnation de la magie du sport qui célèbre avec sa circularité le mouvement, la participation et le progrès. Seulement, malgré sa réalisation harmonieuse, ce signe surprend. Il semble dénoter avec le logotype, avec un contraste de pleins et déliés qui n’apparaît pas dans le mot-symbole. Cela donne l’impression que l’apparition du signe n’est pas en harmonie avec l’ensemble, presque forcée, tandis que son dessin net et élancé veut absolument devenir iconique face à un mot-symbole déjà emblématique. La nécessité de posséder un signe peut être remise en question ; toutefois, elle prend peut-être racine dans les besoins liés aux supports numériques actuels – qui aurait été volontaire pour engager la périlleuse mission d’adapter le mot-symbole dans un avatar social ?

La nouvelle identité de Decathlon est complétée par une police de caractères développée sur mesure, Decathlon Sans par la fonderie Grilli Type. Ce caractère typographique s’affranchit de tout empattement pour apporter une image contemporaine et lisse. La symétrie de certains glyphes est brisée par des membres ponctuellement inclinés, comme sur les lettres « A », « W » et « O ». Un moyen plastique intéressant pour rappeler l’aspect dynamique et véloce du sport. Les messages cohabitent le plus souvent avec une bibliothèque iconographique cohérente et propriétaire, dont le traitement graphique rappelle des prises de vue sur le vif, ancrée dans le quotidien. Plus que des distributeurs d’accessoires, Decathlon est aussi un laboratoire d’innovation au service de son public. C’est pour cette raison que l’iconographie est complétée par des images 3D tout à fait singulière et captivante, qui valorisent de manière quasiment abstraite la plasticité de leurs produits sous différents angles. Parmi l’ensemble des compositions graphiques développées pour la marque, la plus regrettable est sans doute la présence signe comme glyphe pour remplacer la lettre « e ». Une aberration typographique qui affaiblit la puissance et l’élégance de cette nouvelle identité. Malgré tout, la nouvelle image de Décathlon démultiplie la force d’impact visuel de la marque, et même si l’apparition d’un signe peut surprendre, il ne fait aucun doute qu’avec le temps, il deviendra aussi indissociable que son acolyte typographique.

Conception : Wolff Olins
Photographie : FourOneNine, Jamie Mourn
Rendu 3D : Studio PIC
Recherches : Peek Content
Typographie : Grilli Type
Développement web : Work & Co
Sound design : Father
Logotype : Alistair McCready

Photos © Wolff Olins

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