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La forme se libère (de la fonction)

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Lorsque l’instabilité s’installe au sein d’une marque, le développement d’une identité peut s’avérer être un levier fécond afin de reconsidérer son positionnement et de clarifier ses objectifs de manière pérenne. Le dernier rebranding de la chaîne de télévision américaine Freeform en est un exemple certain. Lancée à l’origine en 2001 sous le nom de ABC Family avant de changer de nom en 2016, Freeform est aujourd’hui détenue par The Walt Disney Company.


En l’espace de cinq ans, elle a connu trois changements d’identité de marque. D’un contenu centré sur la famille et religieux à l’origine, elle est passée à une programmation centrée sur des rediffusions de séries comiques contemporaines et de sitcoms animés, telles que Family Guy, les Simpsons, ou The Office. Elle comprend également une programmation originale en prime time plus mature, dont 93 % des réalisateurs et 90 % des scénaristes sont des femmes, des personnes issues de la diversité ethniques ou de la communauté LGBTQ+.

Pour s’aligner avec sa récente volonté de se tourner vers le contenu en streaming (en complément de sa disponibilité sur les chaînes câblées), Freeform a fait appel à l’agence Collins pour confirmer son positionnement de la marque. Le point de départ de cette recherche a été l’investissement vigoureux de la chaîne dans la production de ses contenus originaux. Elle porte une attention particulière sur sa cible : « Non pas un public, mais une communauté. Une tribu de personnes unies par un même état d’esprit » précise l’équipe de Collins. « Ils ne sont pas en train de passer à l’âge adulte, mais dans un état constant de devenir, et ils veulent des émissions qui les aident à élargir leur monde, et non à s’en échapper ». Par conséquent, la singularité de la marque réside dans son attrait pour son public, et se traduit par des productions aux histoires profondes qui aident à observer le monde sous de nouvelles perspectives.

Soit. Mais comment convoquer ce positionnement par un langage visuel ? Les choix des équipes de conception se sont tournés vers de la typographie sur-mesure. En collaboration avec la fonderie de caractères typographiques Monotype, des déformations méticuleuses ont été apportées sur le Neue Haas Grotesk (conçu en 1957-1961 par Max Miedinger et Eduard Hoffman). Le processus provoque des irrégularités typographiques jouant avec une ambiguïté entre le fond et la forme. Parfois lisibles, parfois véritables signes abstraits, les caractères modifiés bénéficient d’une véritable singularité dans leur aspect visuel. En tant que designer, ce résultat prête à sourire, car il rappelle les premières expérimentations vectorielles que nous avons tous éprouvées lors de la découverte de logiciels tel qu’Illustrator. Des formes qui n’impressionnent pas du point vue du design, mais qui ont le mérite d’être prégnantes et identifiables instantanément.
Les signes sont associés à une palette chromatique variée, conçue sur un principe de contraste de valeurs : des teintes vives de magenta ou de vert côtoient des nuances pâles de jaune, violet ou de bleu. À noter que le rose est visiblement la couleur identitaire de la marque.

Pour donner vie à cette exploration graphique, les glyphes déformées s’animent de manière disruptive, comme des métamorphes jamais convaincus de leurs apparences. Une interprétation littérale du nom de la chaîne, qui met en image de manière ingénieuse l’état d’esprit malléable et en constante évolution de son public. Les formes se veulent asymétriques, bancales, piquantes, boursouflées, mais surtout, en devenir. Voilà l’essence de la marque, parler à un public qui se construit en tant qu’individu, en tant que communauté.
La variété des supports sur laquelle est décliné l’identité témoigne d’une volonté d’inclusion auprès d’un public large. Coques de téléphone portable, tote bags, sweat-shirts, et autres pendentifs en or viennent compléter la collection de mises en situation d’applications mobiles et autres panneaux d’affichages. Ces éléments font preuve d’un ancrage contemporains, et permettent à la génération Z de s’identifier plus facilement à ce média traditionnel. Une intention d’autant plus importante que cette génération exprime depuis plusieurs années un désintérêt pour la télévision, au profit des médias sociaux.

@thisiscollins

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