Une ambition démesurée, de l’autodérision à foison et un logo aussi prégnant qu’un panneau de signalisation. Voilà la recette de la nouvelle identité du festival Netflix is a joke. Pour sa deuxième édition, le festival de la firme au grand N rouge s’offre un nouvel habillage signé Porto Rocha.
Réunissant 130 artistes sur onze jours, l’événement affiche l’ambition de devenir le plus gros festival de comédie au monde. Il réunit à lui seul 280 manifestations, répartit sur plusieurs lieux iconiques de Los Angeles comme le Laugh Factory, The Orpheum, ou encore le Dodger Stadium. En complément des shows, Netflix a également diffusé certains spectacles sous forme d’émissions spéciales, disponibles pour ses abonnés du monde entier.
Lancée à l’origine deux semaines avant la pandémie de Covid19, l’événement avait à l’origine un logo composé en ITC Mother Corpus Condensed. Bien que singulier, ce travail typographique ressemblait davantage à la présentation d’une nouvelle production audiovisuelle de la firme (dans une époque lointaine, qui plus est) plutôt qu’à un vaste festival célébrant l’humour sous toute ses formes.
L’équipe de Porto Rocha propose une nouvelle identité qui se détache un peu plus de son vaisseau mère, et permet en même de faire le lien des outils de communication du festival. La démarche du studio s’est concentrée sur des images qui viennent en fracture de celles que l’on peut retrouver dans le paysage publicitaire de Los Angeles. Une autre contrainte prise en compte provenait du spectre large de typologie d’humour présenté lors de l’événement : les stars du milieux comme Snoop Dog, Kevin Hart ou Ali Wong sont accompagnés d’artistes plus niche.
On se retrouve donc avec un logo inscrit dans un énorme bloc rouge vif (assurément plus saturé que celui de la plateforme de streaming, pour ceux qui se posent la question). Fini les ornementations typographiques, bonjour au caractère Midnight Sans de la fonderie Colophon. Désormais, le logo s’habille d’un caractère épais, droit, aux terminaisons légèrement courbes. « La sauce secrète de l’identité visuelle provient de la combinaison d’une typographie audacieuse, inspirée du bois, appliquée au texte et au logo, soutenue par des conteneurs graphiques dimensionnels. » explique Porto Rocha. Des blocs graphiques, à la frontière entre une fenêtre pop-up et un panneau de signalisation. Ces conteneurs donnent la fausse impression qu’ils se déploient dans l’espace. Le choix du flat design associé à des messages en capital donne un aspect profondément prégnant à l’identité. Les phrases d’accroches s’inscrivent dans un discours imprégné d’autodérision (‘Riez de nous.’), tantôt provocateur (‘New York va être tellement jaloux.’), tantôt un brin outrancier : ‘Nous avons la meilleure comédie (ce n’est pas une blague)’. Ce concept est prolongé et accentué jusque dans la bande-annonce de l’édition 2023, réalisé par Panic Studio, mettant en scène la naissance littéral du festival et sa puberté démesurée.
Même si le lettrage fait écho aux enseignes de bois d’époque, les animations motion design qui accompagnent les images du festival exprime le caractère résolument numérique de cette identité. C’est ainsi que les campagnes de promotion sur les réseaux sociaux, les génériques d’ouverture animés, et l’application mobile se mêlent aux mockups d’affiches du festival et autres déclinaisons imprimés.
Malgré le charme certain de cette identité, il faut tout de même souligner la faible argumentation concernant le choix de ces blocs colorés : le lien avec l’événement est distant. Sans compter les associations chromatiques, parfois étranges, qui composent l’identité, qui éloignent un peu plus le festival de la firme au N rouge. Il est difficile de ne pas imaginer les habitants de Los Angeles se demander si l’événement n’est pas finalement pas une satire de la firme proposée par un tiers. Pour couronner le tout, le logo de la maison mère est apposé de manière un peu aléatoire, histoire de prolonger un peu plus la confusion. En dépit de ces lacunes, il faut reconnaître un agencement plutôt astucieux et harmonieux d’un titre interminablement long.
La recherche de Porto rocha a aboutit à un terrain de jeu graphique fertile, mais aurait pu atteindre un degré supérieur d’impact si elle s’était attardée un peu plus sur le sens et la perception de ses choix graphiques. Le branding n’est pas qu’un simple bonbon pour les yeux ; l’image et le discours doivent entrer en résonance avec le contexte de production pour espérer fabriquer une identité singulière et pérenne.
@PortoRocha
Très bon article, merci !