Et si une intelligence artificielle pouvait non seulement analyser des images, mais aussi les comprendre ? Ressentir une tension, suivre une narration, capter une atmosphère ? C’est le pari de TwelveLabs, start-up à cheval entre Séoul et San Francisco, qui développe un modèle d’IA capable de décrypter les vidéos comme un être humain — ou presque.
Avec TwelveLabs, la vidéo ne se résume plus à une succession d’images fixes. Elle devient un matériau vivant, multidimensionnel. L’IA ne se contente pas de détecter objets ou dialogues : elle perçoit le rythme d’une scène, sa continuité, ses ruptures, son intention. Une vision radicalement nouvelle du traitement audiovisuel, que l’agence Pentagram a choisi d’accompagner par un design à la hauteur de cette promesse technologique.
L’œil du code, la main du designer
Pentagram imagine une identité en perpétuel mouvement, qui épouse la logique même de l’intelligence artificielle. Ici, rien n’est figé : tout circule, se connecte, se transforme. Couleurs, animations, mises en page… chaque élément reflète un système fluide, intelligent, vivant.
Les diagrammes filaires, omniprésents dans l’interface et dans la communication, deviennent le socle du langage visuel. Ils matérialisent la circulation de l’information à travers les multiples dimensions d’une vidéo — structure, rythme, atmosphère, narration. Déclinés à toutes les échelles, du détail d’une séquence à l’architecture d’une bibliothèque complète, ils traduisent visuellement la complexité algorithmique de l’IA et en font une expérience lisible.
Le logo, quant à lui, puise son inspiration dans les travaux photographiques d’Eadweard Muybridge, pionnier de la chronophotographie. Sa célèbre séquence du cheval au galop de 1878 est ici réinterprétée sous forme d’un système modulaire en 12 rangées, qui reprend la logique séquentielle des planches originales. Ce dispositif graphique instaure un rythme singulier, entre répétition mécanique et fluidité humaine.
Animé, il évoque une sensation de continuité et de transformation constante, incarnant l’idée d’un progrès technologique toujours en mouvement. À la précision structurelle répond une certaine poésie du geste, en accord avec la promesse de TwelveLabs : comprendre le mouvement, plutôt que simplement le voir.
L’identité repose sur un ensemble maîtrisé d’éléments graphiques. La typographie Milling, utilisée pour la première fois dans ce contexte, s’adapte avec souplesse aux différents usages : en grands corps pour les titres comme en très petits formats dans les éléments diagrammatiques. Elle offre à la fois lisibilité, personnalité et cohérence.
La palette chromatique, composée de tons de rose, pêche et orange, est relevée par un vert fluo lumineux. Ensemble, ces teintes donnent naissance à des dégradés riches, utilisés pour souligner les arrière-plans, structurer les interfaces ou animer certains blocs. Sur le site de TwelveLabs, typographie et couleurs s’animent en temps réel : certains textes s’illuminent au passage du curseur, créant un effet de traînée colorée. Ce mouvement, à la fois discret et évocateur, vient renforcer le lien entre contenu et interface sans détourner l’attention.
Autre élément marquant du langage visuel : les “soft bricks”, volumes modulaires qui peuvent apparaître avec ou sans contenu vidéo. Lorsqu’ils sont rendus uniquement en dégradés colorés, ils prennent la forme de structures flottantes, évoquant l’ADN, et se déplacent librement à l’écran. Cette approche permet de maintenir une identité forte, même en l’absence de footage, tout en apportant une dimension abstraite, légère et systémique. L’ensemble gagne en expressivité sans jamais devenir illustratif.
La typographie reste performante dans tous les contextes : utilisée en petite taille dans des formes pill-like (en pastilles), ou associée à des icônes minimalistes, elle renforce la dimension scientifique et technologique de l’univers graphique.
Enfin, la présence de lignes verticales dans certaines compositions sert de ponctuation visuelle. Si leur usage peut paraître secondaire selon les cas, elles contribuent néanmoins à structurer l’espace et à renforcer le système graphique global.
Un motion design au service du sens
Dans ce projet, l’animation n’est pas un simple embellissement : elle est structurelle. Chaque mouvement éclaire la logique de la plateforme, guide l’utilisateur, facilite la compréhension. Les blocs de données, modélisés en trois dimensions, transforment la vidéo en un objet malléable, presque alien, mais fascinant. Une “vue ordinateur” qui donne à voir la matière audiovisuelle sous un angle inédit.
La grille de mise en page, inspirée des timelines, reflète la séquentialité propre à la vidéo. L’interface cubique fait écho à la structuration des données. La typographie, subtilement hybride entre rigueur technique et douceur humaine, établit un équilibre juste. Enfin, la palette colorée, à la fois logique et vibrante, insuffle de la chaleur à l’univers technologique.
Les visualisations du concept “Video as Volume”, au cœur de la plateforme et de l’identité de marque, explorent les notions de perspective et de perception. Des fragments de séquences floutées sont intégrés dans des compositions tridimensionnelles, où les cadres s’étendent en profondeur, donnant à voir la vidéo comme une matière immersive. Les effets de flou et de halos sur les bords renforcent cette impression de volume et contribuent à une esthétique technologique futuriste, en résonance avec l’imaginaire de la science-fiction contemporaine.
Un design qui incarne l’intelligence
Encore en plein tâtonnement, le design de l’intelligence artificielle se cherche. Loin de se contenter d’habiller une innovation, Pentagram cherche ici à en exprimer l’essence. Le résultat est une identité visuelle pensée comme un véritable outil de compréhension : une interface entre le visible et l’invisible, entre la donnée brute et son interprétation. En croisant science des données et culture du mouvement, l’agence parvient à incarner une technologie de pointe dans un langage graphique à la fois intelligent, lisible et désirable — une réussite rare, qui fait du design non plus un supplément d’âme, mais un vecteur de sens.
Conception : Pentagram
Photos © Pentagram
