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ADC 104 : voir et être vu

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Les images défilent, les tendances s’évaporent. Les validations numériques s’empilent et disparaissent, laissant peu de traces. Mais certaines reconnaissances ne s’effacent pas. Les ADC Annual Awards, cent quatre ans d’histoire, rappellent que la valeur d’un prix ne se mesure pas en likes, mais en regard critique. Dans un monde où l’attention se dilue, où la viralité supplante la profondeur, le regard des experts devient un marqueur rare. Loin de la gratification immédiate des réseaux sociaux, se faire voir par les bons yeux est un enjeu bien plus essentiel.Cette année, l’identité visuelle du prix rompt avec le classicisme habituel. « Be Seen by the Best Eyes », un slogan qui claque, un système graphique qui bouscule. Derrière cette refonte signée MullenLowe Design Studio, une volonté : se démarquer ne suffit plus, il faut captiver, retenir l’attention, forcer le regard.

Une identité qui s’impose

Loin des tons feutrés et institutionnels, l’approche visuelle est brutale, électrique, assumée. Les couleurs vibrent, s’entrechoquent, saturent l’espace. Des teintes intenses qui amplifient l’impact et refusent la neutralité. Loin des palettes sobres, on est ici dans une explosion chromatique pensée pour marquer durablement la rétine. La typographie est massive, condensée, presque intrusive. Un caractère qui ne laisse aucune place au doute. Son dessin tendu et étroit accentue la verticalité, renforçant cette impression de tension permanente. Les lettres se pressent, comprimées comme si l’urgence de se faire voir était gravée dans leur forme même.

Le regard devient un motif graphique omniprésent. Il scrute, disséqué en animations ultra-fluides où l’organique se mêle au mécanique. Dans les films réalisés avec ROOF Studio, l’œil n’est pas qu’un symbole, il devient un acteur, une entité autonome qui juge et observe avec une précision clinique. Ces créatures oculaires flottent dans un monde surréaliste, à la croisée de l’animation expérimentale et du motion design high-end. La composition suit cette tension. Rien n’est parfaitement aligné. Les visuels explosent, se déséquilibrent, créant une dynamique qui force l’engagement visuel. Le chaos est contrôlé, mais le regard est sans cesse guidé par des lignes de force invisibles. Chaque élément semble en mouvement perpétuel, dans une cadence qui empêche toute passivité.

Un système graphique pensé pour l’impact

Au-delà des films et des affiches, l’identité s’étend sur tous les supports avec une cohérence implacable. Les affiches et les supports digitaux jouent avec la superposition d’éléments textuels et visuels, renforçant l’idée d’un monde où tout est scruté en permanence. L’usage de la redondance visuelle crée une tension supplémentaire. Des typographies en surimpression, des regards démultipliés, des jeux de perspective qui accentuent cette idée d’observation constante. L’approche systémique du graphisme repose sur un enchevêtrement d’éléments qui interagissent : lettres distendues, espaces fragmentés, mouvements saccadés qui imposent une lecture non linéaire. L’enjeu n’est pas simplement esthétique, mais stratégique. L’image du jury devient une entité visuelle forte, les yeux ne sont plus ceux des candidats mais bien ceux de ceux qui jugent, qui sélectionnent, qui façonnent le futur de la création. Une inversion des rôles qui inscrit cette édition dans une posture presque manifeste.

Un positionnement audacieux

Cette refonte marque une rupture nette. Pas de minimalisme, pas d’élégance consensuelle. Une prise de parole forte, presque abrasive. Une déclaration qui divise : est-ce une nécessité dans un monde saturé d’images ou une surcharge sensorielle risquée ?

L’approche pourrait surprendre par son agressivité. Loin d’une esthétique luxueuse et raffinée, c’est une explosion visuelle, un chaos organisé qui pousse à l’action. Le regard n’a pas d’autre choix que de s’arrêter, d’interagir, de prendre position. C’est un pari osé. La direction artistique embrasse l’excès dans un contexte où de nombreuses institutions culturelles privilégient encore la sobriété. L’identité ne cherche pas à rassurer mais à provoquer une réaction immédiate. On pourrait s’interroger : ce surplus visuel est-il une nécessité dans un univers créatif saturé, ou risque-t-il d’épuiser l’attention ? Une chose est sûre, il impose une présence. On ne peut pas l’ignorer, on ne peut pas l’oublier.

Un prix qui regarde loin

Les ADC Awards affirment ici une vision. Voir et être vu, mais avec exigence. Ne pas se perdre dans le flux, ne pas se laisser séduire par l’instantané. S’imposer par une esthétique forte et un message clair. Cette identité n’est pas qu’une simple refonte, elle est une déclaration d’intention. Elle impose un standard. Elle rappelle que la création qui compte est celle qui résiste à l’oubli, qui ne se noie pas dans la masse, qui force à être regardée pour ce qu’elle est réellement.

Conception : MullenLowe
Conception 3D : ROOF

Photos © MullenLowe

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