Le Centre Pompidou, symbole de la création contemporaine et de l’avant-garde culturelle française, a récemment confié à l’agence Zoo la refonte complète de son identité visuelle à l’issue d’un concours international. L’objectif : traduire l’esprit architectural, artistique et institutionnel du Centre dans une nouvelle grammaire graphique, contemporaine, cohérente et rayonnante à l’échelle internationale.
Plus qu’un simple musée, le Centre Pompidou est un lieu d’expérimentation, d’ouverture et de pédagogie. L’enjeu de cette refonte ne résidait donc pas uniquement dans un exercice de style, mais dans la nécessité de réaffirmer ses valeurs fondatrices — accessibilité, innovation, transmission — au travers d’un langage visuel adapté aux usages numériques, aux publics variés et aux nouveaux formats de diffusion. La fermeture du centre, prévue en septembre 2025 pour une durée de cinq ans, offrait une opportunité unique d’opérer cette transformation graphique d’une institution culturelle phare en quête de résonance contemporaine.



Un logotype emblématique, qui a bien failli ne jamais voir le jour
Six bandes noires traversées par deux zigzags. Lorsque le graphiste franco-suisse Jean Widmer est sélectionné en 1974 pour concevoir l’identité du Centre Pompidou, encore en construction, il présente avec son associé Ernst Hiestand et l’équipe de l’agence VDA (Visual Design Association) une proposition graphique tout en simplicité. Un code couleur est prévu pour chaque département du Centre Pompidou : le rouge pour les arts plastiques, le bleu pour le Centre de création industrielle, le vert pour la Bibliothèque, le violet pour l’Ircam, et le jaune pour les espaces communs.
Tout est minutieusement pensé, sauf un élément : le logotype. Dans les années 1970, recourir à un logotype était encore perçu comme trop lié à la publicité. Jean Widmer estimait qu’un centre d’art ne devait pas adopter les codes du marketing commercial au risque de se démoder rapidement ou d’apparaître comme un outil au service du pouvoir politique. Mais à trois mois de l’inauguration, Claude Mollard, Secrétaire général du Centre, insiste : un signe fort est nécessaire pour fédérer. Widmer finit par céder et s’inspire alors de l’architecture révolutionnaire signée Renzo Piano et Richard Rogers. Il dessine ce qui deviendra l’un des logos institutionnels les plus reconnus au monde.
« Mollard débarque alors en trombe et me dit “Il nous faut un logo, c’est urgent, et si vous ne le faites pas, on le demandera ailleurs.” Je lui réponds “OK, je vous le fais, mais ce sera la façade, avec l’escalator.” Il a adoré l’idée ! J’ai présenté les deux versions en même temps, celle avec cinq bandes et celle avec six. Ils voulaient que je dessine un cadre noir autour, mais là j’ai dit “hors de question !” J’ai finalement cédé sur les six bandes. »
— Jean Widmer


Un compagnon typographique contemporain
Au cœur de la nouvelle identité conçue par Zoo se trouve une famille typographique exclusive : CP Family. Elle reprend et actualise les codes géométriques du Centre Pompidou tout en évoquant directement son architecture industrielle et modulaire : tuyaux apparents, structures tubulaires, lignes tendues et volumes ludiques. Le dessin, condensé et dynamique, devient un marqueur fort et reconnaissable, capable de porter l’identité du Centre sur tous les supports.
Le mot-symbole, qui accompagne le signe inchangé de Jean Widmer, est composé dans la version display de cette famille. Sa graisse épaisse accentue sa compacité, lui donnant un impact visuel important : son gris typographique est désormais plus dense que celui du logotype historique.




Un langage graphique incarné et universel
L’approche développée par Zoo repose sur un système graphique à la fois épuré, structurant et adaptable : des formats divisés en parts égales, faisant cohabiter typographie, iconographie et couleurs vives. La palette chromatique semble se limiter à cinq teintes principales (rose, jaune, gris, bleu, orange) — un probable clin d’œil au système imaginé par Widmer en 1977.
Cette combinaison de couleurs joue sur la force intrinsèque de la couleur, sans effets superflus. Les messages sont systématiquement centrés et composés dans une même graisse, apportant une rigueur qui assure clarté et lisibilité. Mais cette homogénéité typographique limite parfois la hiérarchie de lecture : dans un système aussi rigide, le sens de lecture conventionnel devient le seul repère.
Malgré cela, le dispositif fonctionne. Sa simplicité rend l’identité immédiatement adaptable aux formats éditoriaux comme aux usages événementiels, et renforce la stature du Centre Pompidou comme institution culturelle d’avant-garde à portée internationale.




Une refonte tournée vers l’avenir
En réinterprétant les codes visuels fondateurs du Centre Pompidou, Zoo propose une identité visuelle résolument contemporaine. Ce travail accompagne la transformation numérique et le rayonnement international d’un lieu emblématique, à l’heure d’une transition importante. Une refonte qui dépasse le cadre esthétique : elle incarne l’ambition renouvelée d’un centre culturel toujours pionnier.
Conception : Zoo
Photos © Zoo
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