Histoires de logos

Logo Unchained : les marques de Quentin Tarantino

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La force du réalisateur américain, c’est son sens du détail. Il fait pénétrer son spectateur dans un autre espace-temps, celui de son film en travaillant minutieusement la charge sémantique à l’écran. L’invention de nouvelles marques, dédiées à son univers, y participe.

1. Big Kahuna Burger

Présente dans Jackie Brown, Boulevard de la mort et Kill Bill 2, la marque de burgers – pourtant fictive – est surtout devenue iconique grâce à cette scène de Pulp Fiction où Jules Winnfield (Samuel L. Jackson) dévore avec appétit le burger de sa cible. La scène résonne d’autant plus avec la marque, qu’en argot « a big Kahuna » signifie une personne importante.

Un burger à l’ananas, un nom hawaïen, un logo qui met en scène un surfer face à un énorme burger… On est du côté des sixties américaines, chères à Quentin Tarantino et durant lesquelles les marques américaines puisaient leurs inspirations du côté des îles et des Tiki. Le logo a été par un certain Jerry Martinez : il est résolument ludique. Les typo sont pleines d’aspérités et les illustrations résolument sixties avec un style proche de la BD. En témoigne la mise en valeur pittoresque du « Kahuna ». Ce logo joue des frontières et propose une immersion dans l’immersion qu’est déjà le film.

Cette marque est une des plus célèbres de Quentin Tarantino, elle a donné lieu à de nombreuses recettes et à même inspiré quelques lieux éphémères.

2. Red Apple Cigarettes

La marque de cigarettes apparaît dans de nombreux films de Tarantino (Reservoir Dogs, Pulp Fiction, Kill Bill, Une Nuit en Enfer, Once Upon a Time in Hollywood, Les Huit Salopards). Cette marque, faussement née en 1862 (cf. la fausse pub dans Once Upon a Time in Hollywood), met en scène le plaisir du vice qu’incarne la cigarette.

Le vers anthropomorphe, une cigarette à la bouche, nous défie de son regard goguenard. Tout en relief, il sort d’une « pomme rouge » immaculée : la pomme reluisante, objet de tous les désirs. Ce logo mobilise les codes de l’interdit puisqu’il oscille entre appétit (le fruit bien mûr) et tare (le vers est dans le fruit).

Le slogan de la marque lui-même « Better drag, more flavour, less throat burn » (« Une meilleure fumée, plus de saveur, moins de brûlure de la gorge ») joue de cette ambiguïté entre plaisir et vice. C’est une marque quelque peu provocante, à l’image de Tarantino, à qui l’on pourrait même prêter des allusions sexuelles.

3. Teriyaki Donut

Sans qu’on ne sache vraiment ce qu’est un Teriyaki Donut, Tarantino fusionne dans le logo-même la culture nippone et la culture américaine. Drôle de mélange qui fonctionne pourtant bien auprès des personnages de Jackie Brown et de Pulp Fiction.

Le logo place un « Maneki-neko » (« le chat qui invite »), statue traditionnelle japonaise, devant une tasse de café fumante. La symbolique de la patte levée, censée attirer les clients, est détournée puisqu’elle tient aujourd’hui un donut dont le sucre glace rose fait écho à la couleur du chat. De la même façon, la police, de la même couleur que la tasse de café, rappelle la rondeur du beignet et de ce chat dodu.

4. Le Jack Rabbit Slim’s

C’est LE restaurant de la scène iconique de Pulp Fiction, dans laquelle Vincent Vega (Travolta) et Mia Wallace (Thurman) twistent sur You Never Can Tell de Chuck Berry. Inspiré des années 50, on peut y dîner dans des vieux modèles de voiture, manger des plats au nom de célébrités et être servi par des sosies de stars du type Marilyn Monroe ou James Dean.

Bourrée de références, cette séquence est toute entière un hommage au cinéma Hollywoodien. Ainsi, le logo, inspiré des cartoons, met en scène un « jackrabbit » (lièvre) en tenue de pilote, sucette au bec, quelque peu désinvolte. Un trophée dans la main gauche et son casque dans la main droite. Une allusion à James Dean, ou à Top Gun peut-être. Son pantalon d’un rouge détonnant illustre le jeu de mot avec les pantalons slim à la mode dans les années 50.

Les typo, distinctes, sont dynamiques et annoncent les danses à venir. Enfin, la tagline « The Next Best Thing to a Time Machine » (la meilleure chose à faire après une machine à voyager dans le temps) est un clin d’oeil malin au fantasme suprême des adolescents américains (post Retour vers le futur).

Depuis, nombreux sont les restaurants qui ont emprunté ce nom en référence au film de Tarantino.

5. Et bien d’autres encore

Les marques, à la sauce Tarantino, sont si nombreuses qu’on en oubliera certainement. Chaque film devient un lieu de projection pour ses propres univers et syncrétismes, il ose toutes les associations et les fans se prennent au jeu de les décoder.

Ainsi, le cinéma d’Inglorious Basterds se nomme « Le Gamaar » en hommage, avec une faute typographique, au cinéma de Montebello « Gamar » dans lequel se rendait enfant le réalisateur cinéphile.

Dans Une Nuit en Enfer, les personnages s’arrêtent au « Benny’s World Of Liquor », où l’on fait, paraît-il, les plus puissantes tequila et whisky du Texas, donnant lieu à tous vos fantasmes alcoolisés. Et ils se retrouvent ensuite piégés dans le club Titty Twisters, à l’esthétique fifties « Exotica ».

La marque d’adrénaline qui sauve Mia Wallace de l’overdose dans Pulp Fiction, « Wascomed », est inspirée de David Wasco et de sa femme, amis du réalisateur et décorateurs de plateau.

Les personnages boivent du jus en canette, d’inspiration japonaise, grâce à « G.O. Juice ».

Les compagnies aériennes, dans Jackie Brown, se nomment « Air O », « Cabo Air ». Et les compagnies de taxi « Big Jerry Cab Co. ». Certains ont d’ailleurs remarqué que le logo de « Cabo Air » est un quasi copier collé du logo français de l’Association des Cocaïnomanes Anonymes (ironique, lorsqu’on sait à quel point Pam Grier, actrice jouant le rôle de Jackie Brown, a connu des problèmes de drogue)

Que ses films soient des réécritures historiques ou des scénarii purement inventés, Tarantino injecte toujours ses propres références ou fantasmes, pour créer un espace fictif clôt sur lui-même non perméable à la réalité. Les marques y jouent dès lors un rôle essentiel : il lui faut des marques fictives pour ne pas créer de ponts avec les marques de notre réalité. Par là-même, il offre un jeu permanent avec le spectateur qui se plaît à découvrir puis décoder ces marques.

1 commentaire

  1. Appolo

    Merci pour cette revue graphique des films toujours mémorables de ce réalisateur !

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