L’un des enjeux pour les marques actives depuis plusieurs décennies repose sur la nécessité de s’ancrer dans l’époque dans laquelle elles se trouvent, afin de maintenir leur influence. Il est parfois nécessaire d’adapter son identité de marque pour correspondre aux attentes des nouvelles générations. Voilà l’objectif que s’est donné le Rock and Roll Hall of Fame après avoir réalisé la nécessité d’élargir son public et de renforcer sa présence en dehors de sa mythique cérémonie annuelle. Redonner une jeunesse à une institution qui fête cette année ses quarante ans.
Affectueusement connue sous le nom de Rock Hall, l’institution est avant tout un lieu. C’est en effet un musée, Le Rock and Roll Hall of Fame and Museum, proposant des expositions permanentes et temporaires dédiées au monde de la musique à Cleveland, dans l’Ohio. Toutefois, il est surtout connu pour son très convoité Panthéon des artistes. Au cours de sa cérémonie annuelle d’intronisation, l’institution récompense les grands noms de l’industrie et célèbre la prochaine série d’artistes admis au Panthéon.
Le studio Base Design a été en charge de la modernisation de l’image du Rock Hall. Après avoir travaillé pour le Bob Dylan Center et le Prince Estate, le studio n’en était donc pas à son coup d’essai. L’équipe de conception a centré son attention sur « l’esprit Rock and Roll » pour cette refonte. Audace et puissance sont par conséquent les maîtres-mots. Les équipes de Base Design se sont donné l’ambition de proposer une représentation singulière du son, adaptable en fonction des artistes présentés. Le résultat mêle photographies et typographies en mouvement pour tendre vers un langage graphique intriguant.
Tout d’abord, le nouveau logo. Il est composé dans un caractère typographique à empattement triangulaire relativement discrets. Ce choix apporte une stature subtile au Rock Hall, entre tradition et modernité. Le nom est divisé en deux parties superposées, pour une lisibilité optimale (composition conservée par rapport au précédent logo). Les mots de liaison sont traités en exposant tandis que l’esperluette est conservée. Il faut faire court, aller à l’essentiel. Pour ce faire, Base a procédé à un traitement graphique singulier du logotype : la contraction des lettres, qui donne l’impression d’un lettrage en rotation dans l’espace. Visiblement, Coca-Cola a fait des émules. Ici émerge le premier questionnement : ce choix est-il tout à fait pertinent et peut interroger sur le rapport visuel à l’institution. En version statique, le logo paraît écrasé, déformé ; en mouvement, il apparaît comme appliqué sur un objet cylindrique. Quelle image du Rock Hall est-on censé se faire en voyant ce traitement graphique ? Le logo veut avoir l’air « cool » auprès des jeunes générations, sans être porteur de sens. Fait-il référence à ces écrans à 360° présents sur les playgrounds de la NBA ?
L’identité de marque, ensuite. Un caractère typographique sur mesure a été conçu pour accompagner les images des grands noms de l’industrie. Le Generation Sans est une police de caractère linéale, composée exclusivement en capital. La particularité de la fonte se révèle lorsqu’elle est soumise à une bande sonore. Elle s’anime au gré de la musique, en dupliquant sur place les caractères, qui s’entassent à différents degrés, créant ainsi une expressivité typographique, adaptable selon les styles de musique. Cette recherche en motion design a permis d’apporter plusieurs déclinaisons pour chaque caractère, exploité par la suite sur les supports imprimés.
La Palette chromatique est variée, vibrante, saturée, pour valoriser la dimension numérique de la marque. Les images conçues alternent entre fonds colorés (avec une utilisation des glyphes déformés du Generation Sans) et photographies de concerts incluant les stars de la musique. Les compositions graphiques qui découlent de ces choix privilégient la lisibilité et une forme de prégnance typographique. Pour compléter la panoplie de mises en situation d’affiches et autres applications mobiles ; des vêtements prêt-à-porter et accessoires de modes viennent inscrire le Rock Hall dans une forme de modernité, dans l’espoir de susciter l’intérêt des jeunes générations.
Finalement, le Generation Sans apporte une modeste surprise dans une composition graphique à la saveur un peu attendue. La neutralité de l’identité s’explique probablement par la volonté de représentation des artistes issus d’horizons radicalement différents dans l’industrie de la musique. Cette volonté fait sens lorsque l’on sait que le Rock Hall est critiqué depuis peu pour son manque de représentation des artistes féminines. La force de cette identité rassurera-t-elle son public ?
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